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Les énergies renouvelables, oui, mais à quelles conditions ?

Lors de notre AG à Razac sur l'Isle le 3 avril, nous avions décidé d'aborder le thème des énergies renouvelables ; thème plus que jamais d'actualité et qui nous concerne, nous paysans, puisqu'on veut nous transformer en producteurs et surtout vendeurs d'énergie. Notre (cher?) ministre parle de 1000 méthaniseurs ; chez de nombreux paysans, des hangars couverts de panneaux photovoltaïques fleurissent ; les champs de céréales producteurs de nourriture se transforment en producteurs de carburant ; et maintenant, on nous impose de mettre de ces carburants d'origine végétale dans nos tracteurs ! Tout cela nous pose question. C'est pourquoi, nous avons invité Patrick SADONES, paysan normand, spécialiste reconnu en France et en Europe dans ce domaine.

Sa conférence a vivement intéressé les participants ; les questions fusaient. Contrairement à ce que nous croyions (espérions?) il ne nous a pas apporté des solutions toutes faites mais il a pointé ce qui est essentiel pour pouvoir se forger une opinion et choisir, le cas échéant, l'énergie (les énergies) qui conviennent le mieux à notre situation.

Et surtout, il nous a rappelé de ne pas mettre la charrue avant les bœufs : avant de choisir un moyen ou un autre de production d'énergie, il importe de bien préciser nos objectifs ; le Pourquoi avant le Comment.

Et là les chiffres sont clairs : le premier objectif qui doit nous pousser à produire des énergies renouvelables, ce n'est pas l'économie des énergies fossiles (ça c'est le but poursuivi par les acteurs économiques qui cherchent avant tout à gagner de l'argent par tous les moyens), c'est la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). En effet ce sont surtout ces GES qui menacent notre survie, pas la fin du pétrole ! « Quand nous aurons épuisé pour couvrir nos besoins énergétiques toutes les ressources en carbone dont nous disposons, la teneur en CO 2 sera telle qu'il fera en moyenne 70°C à la surface de la terre. En clair nous aurons tous grillé bien avant de voir le bout des ressources énergétiques fossiles ! », nous est-il dit. Voilà qui situe clairement les priorités.

Quelle(s) énergie(s) choisir ?

Ensuite Patrick déroule d'une manière très claire les différentes formes de production d'énergie à la ferme, en utilisant pour les comparer deux critères principaux :

  • l'efficacité énergétique qui donne sous forme d'un rapport l'énergie produite par rapport à l'énergie consommée pour la produire (les panneaux photovoltaïques, bien qu'ils aient un bon rendement de conversion de l'énergie lumineuse en électricité (16%), ont une efficacité énergétique médiocre alors que celle du bois déchiqueté utilisé pour le chauffage est forte)

  • les émissions de GES liées à ce moyen de production d'énergie renouvelable ; Et là il tient compte en particulier du changement d'affectation des sols, critère que Patrick a contribué à vulgariser même auprès des scientifiques. En effet si on oublie ce critère, on ne tient pas compte des émissions de GES produites par la mise en culture de nouvelles terres derrière retournement de prairies, ou pire, défriche de forêts ; et ces émissions sont loin d'être négligeables. Les cultures d'agrocarburants sont particulièrement mauvais élèves dans ce domaine ; de même, les panneaux photovoltaïques installés au sol, et si en plus ils ont été fabriqués en Chine !

Les méthaniseurs ont suscité de nombreuses questions. Il semble qu'ils soient incontournables pour recycler le phosphore, ressource qui va devenir particulièrement rare, mais en revanche, lors de l'épandage des effluents, ils peuvent augmenter très fortement les émissions d'ammoniac dans l'air et celles de N2O, GES 300 fois plus nocif que le CO2. Pour éviter cela, il faut être très attentif aux conditions d'épandage. Attention aussi au dimensionnement des installations pour ne pas avoir à transporter sur de longues distances les produits qui seront introduits dans le digesteur, et les effluents de digestion à épandre...

Une des conclusions que l'on peut donner de cette intervention et de ce débat c'est que dans ce domaine des énergies renouvelables, rien n'est simple. Cette conférence, très riche, nous a laissé, c'est vrai, avec plus de questions que de solutions toutes faites. Mais n'est-ce pas le propre d'une intervention qui nous considère comme des êtres intelligents et capables de faire nos propres choix, une fois qu'on possède les données indispensables plutôt que comme des robots, tout justes capables de reproduire des schémas imposés ?

Michèle ROUX, paysanne en Dordogne

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